Les lobbies de la pêche industrielle contre Stop Finning

 

Un an après les 1,1M de votes sur la pétition de l’initiative citoyenne européenne Stop Finning, nous sommes en plein cœur des décisions qui vont être prises par les commissions européennes. Au milieu de tout le travail fait par les personnes initiatrices de l’initiative pour expliquer aux parlementaires les raisons de cette demande d’interdiction de commerce des ailerons de requins en Europe, il y a toujours les lobbies de la pêche qui donnent des arguments fallacieux contre cette initiative.

Voici des exemples de ce qui peut être exprimé par les lobbies  : 

  • La flotte de l’UE n’a jamais pratiqué le « finning » (couper les ailerons de requins et jeter les corps mutilés à la mer), n’a jamais commis d’infraction ni reçu de sanctions.
  • Il existe déjà de nombreux instruments internationaux juridiquement contraignants qui réglementent la pêche d’un point de vue biologique, environnemental et de contrôle. « On peut dire que l’UE dispose de la politique la plus avancée en matière de poursuites et de lutte contre la pêche illégale (INN) de requins.« 
  • “Quand au requin peau bleue, il s’agit de l’espèce de requins dont la répartition géographique est la plus large et la croissance la plus rapide. Les dernières informations scientifiques montrent que la population de cette espèce est abondante et en bonne santé dans tous les océans. Son aileron est facilement reconnaissable, même séparé du corps, en raison de sa coloration bleu métallique caractéristique, de l’absence d’épines à la base et d’autres facteurs. Par conséquent, les inspecteurs des pêches, ainsi que les commerçants, peuvent facilement procéder à une identification visuelle. » (Daniel Voces de Onaindi, directeur d’Europêche)
  • Les requins ne sont pas vendus uniquement pour leurs ailerons et il s’agit d’une espèce où tout est commercialisé.
  • Il est simple d’identifier l’aileron d’une espèce par rapport à une autre espèce. 

Pourquoi ces arguments sont fallacieux ? Stop Finning vous explique : 

1. Jusqu’à présent, les pêcheries de requins de l’UE ne disposent d’aucun cadre de gestion global, que ce soit au niveau européen ou au niveau des organisations régionales de gestion des pêches (ORGP), et le Plan d’action européen pour les requins est obsolète et ne comprend pas d’objectifs SMART (Niedermüller et al., 2021). Bien que les ORGP (Organisations Régionales de Gestion de la Pêche) puissent jouer un rôle important dans la promotion d’une gestion durable des espèces de requins, il est peu probable qu’elles puissent le garantir seules. Une approche plus globale et coordonnée de la conservation des requins est nécessaire, qui inclut un éventail de mesures telles que l’amélioration de la collecte de données et de la surveillance, des réglementations et des mesures de contrôle plus strictes, ainsi que des efforts visant à réduire la demande de produits issus des requins (STEFC, 2019).

2.  La viande de requin n’est pas bonne pour la santé, notamment à cause du mercure et d’autres métaux lourds. Le mercure inorganique est considéré comme l’élément le plus toxique du tableau périodique. Il est présent naturellement à hauteur de 70 % et les humains sont responsables de 30 % de son introduction dans la nature. Si le mercure pénètre dans le cycle de l’eau, il est transformé par des bactéries en mercure organique – du méthylmercure se forme. Absorbé par les micro-organismes, il pénètre dans la chaîne alimentaire et s’accumule tout au long de celle-ci. En plus du mercure, les prédateurs de grande taille et à longue durée de vie tels que les requins accumulent également d’autres toxines telles que les PCB, l’arsenic, le plomb et les DDT. Toutes les formes de mercure sont toxiques pour les humains, mais le méthylmercure est particulièrement préoccupant car notre organisme dispose d’un mécanisme de défense moins développé contre cette toxine. Les effets sur le système nerveux sont les plus prévalents chez les humains.

3.  De nombreux cas ont été relevés de non-respect de la législation :

    • En décembre 2022, le navire espagnol Sesimbra a été détenu pour avoir tenté de débarquer 1 tonne d’ailerons de requin en vrac à Peniche, au Portugal.
    • Le 22 décembre 2022, le navire espagnol Playa del Ril a été détenu à Peniche pour avoir transporté plus de 12 tonnes de requin-taupe commun à bord, provenant présumément du sud de l’Atlantique, mais sans les documents CITES requis. Ce même navire avait déjà été dénoncé pour avoir débarqué des ailerons de requin séparés des corps des requins dans le port de Montevideo, en Uruguay, en 2017.
    • Le navire de pêche espagnol Virxen da Blanca a été condamné à une amende de 2 500 €, ainsi qu’à la confiscation de 165 000 € de captures et d’équipement, suite à une plaidoirie de culpabilité devant les tribunaux le 23 mai. Les espèces à bord comprenaient principalement des requins bleus ainsi qu’une petite quantité de requins-taupes
    • 5 septembre 2018 : Le capitaine d’un navire de pêche battant pavillon espagnol a été inculpé de « finning » des requins après que le personnel du Service naval irlandais ait abordé son navire et trouvé plus d’une tonne d’ailerons à bord. Au tribunal, les procureurs ont soutenu que le navire transportait 2800 livres (environ 1270 kilogrammes) d’ailerons de requins.
    • Le 6 août 2016, le navire de pêche espagnol Alemar Primero a été abordé dans les eaux appartenant à l’État insulaire d’Afrique centrale de São Tomé, et les autorités ont découvert que les cales du navire étaient remplies de requins morts. Le chalutier était autorisé à pêcher le thon et des espèces similaires. Beaucoup des nageoires des requins avaient déjà été détachées de leur corps.

 

Requin peau bleue par Pierre Léo-Paul

4.  Les requins bleus (Prionace glauca) dominent à la fois le commerce des ailerons (41 %) et le commerce de la viande de requin (36 %). Malgré le fait d’être considérées comme l’une des espèces de requins les plus abondantes et résistantes, on pense que leurs populations sont en déclin, leur diminution étant intrinsèquement liée au lucratif commerce des ailerons de requin et à la croissance du commerce de la viande de requin. L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) classe désormais la population mondiale de requins bleus comme étant « quasi menacée » et la population méditerranéenne comme étant « en danger critique ». 

5.  Plusieurs études soulignent l’importance des tests ADN pour l’identification et les coûts élevés qui y sont associés (par exemple, Domingues et al., 2021). Cela inclut le requin bleu, car les ailerons perdent leur couleur bleu métallique lorsqu’ils sont séchés ou congelés. La traçabilité des ailerons en ce qui concerne leur origine et leur espèce ne peut donc pas être assurée. Lors de l’interdiction des ailerons de requin au Royaume-Uni, « la difficulté à identifier les espèces (et donc les espèces en voie de disparition) à partir des ailerons de requin séchés » a été soulignée comme une préoccupation majeure justifiant la nécessité d’une interdiction des ailerons de requin afin de garantir la protection de ces espèces.

Dried shark fins (copyright Mongabay, 2023)

 

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Sources d’information :

Domingues, Rodrigo & Hilsdorf, Alexandre & Gadig, Otto. (2018). The importance of considering genetic diversity in shark and ray conservation policies. Conservation Genetics. 19. 10.1007/s10592-017-1038-3.

Niedermüller, S.Ainsworth, G.Juan, S. d.García, R.Ospina-Alvarez, A.Pita, P., & Villasante, S. (2021). The shark and ray meat network: A deep dive into a global affairRome: WWF.

Rapport annuel de STEFC, en 2019.

Scientific, Technical and Economic Committee for Fisheries (STECF) (2019). Review of the implementation of the shark finning regulation and assessment of the impact of the 2009 European Community Action Plan for the Conservation and Management of Sharks (STECF-19-17), Walker, P. and Pinto, C. editor(s), EUR 28359 EN, Publications Office of the European Union, Luxembourg, 2019, ISBN 978-92-76-11287-7, doi:10.2760/487997, JRC119051.

UICN France, MNHN (2013). La Liste rouge des espèces menacées en France – Chapitre Requins, raies et chimères de France métropolitaine. Paris, France.