Citoyen anonyme

Flora Plouzeau jeune étudiante, nous a contacté afin de réaliser un entretien avec Martin Grau, notre vice-président afin de mieux cerner la situation du commerce de requin en Europe.


A propos de Flora

Flora vient de terminer sa première année de licence de Gestion et Protection de la Nature au cours Diderot à Montpellier mais est aussi une membre de l’association !  Flora a choisi de s’intéresser à ce sujet après la réussite médiatique que l’initiative citoyenne européenne “Stop Finning” a remporté en janvier 2022.

Son objectif serait de devenir biologiste marin. Elle va réaliser un stage à Kapnatirel en Guadeloupe sur le suivi de populations de requins, espèces qui lui tiennent par ailleurs particulièrement à cœur malgré la diabolisation de ces espèces par les médias et les idées reçues.

 

Le message que Flora aimerait transmettre : “Peut-être que nous pouvons chacun agir à notre échelle et que nous n’avons pas forcément besoin d’être un grand chercheur pour accomplir des choses. La protection de la Nature de manière générale se fait également par l’intermédiaire de nos comportements et modes de vie en tant que citoyens.”


La sortie de l’article de l’IFAW a suscité beaucoup de questions telles que :

  • A quoi servent les ailerons prélevés ? Pourquoi ce commerce existe-t-il?
  • D’après l’IFAW, l’Espagne est la plus grande exportatrice, la réglementation est-elle différente ? Pourquoi ce pays et pas la France ou le Portugal qui sont des pays voisins ?
  • L’Europe est l’une des plus grandes exportatrices d’ailerons, quelles ont été les lois pour limiter ce phénomène et de quand datent elles?
  • Pourquoi la population européenne a décidé de rendre illégal ce commerce à travers la pétition “Stop Finning”? D’où vient cette prise de conscience ?

Ce sont une partie des questions que Flora Plouzeau s’est posée après ses recherches. C’est pourquoi, au travers de cet entretien, nous avons tenté d’y répondre afin d’éclaircir des questionnements qui pouvaient rester flous.

 

 

Les requins coulent, 

Que fait l’Union européenne? 

L’Union européenne joue un rôle clé dans la commercialisation mondiale des ailerons de requin. Malgré quelques mesures de protection prises en faveur des requins ces dernières années, ce commerce se poursuit à un rythme effrayant en Europe. Des citoyens se mobilisent afin de mettre un terme au massacre. 

Face à l’homme, les requins sont devenus des proies. 273 millions de requins meurent chaque année dans nos océans. D’après le Fonds international pour la protection des animaux (IFAW), l’Europe à vu son taux d’exportation d’ailerons de requin augmenter de 17% entre 2003 et 2020. 

Le film américain Les Dents de la Mer a ancré une vision négative des requins dans l’imaginaire collectif. Cette image de prédateur redoutable dévorant des baigneurs est fortement présente. En réalité, la majorité des espèces de squales sont inoffensives pour l’être humain. Mais cela est loin d’être réciproque. Très appréciés pour leurs ailerons et leur chair, les requins et leurs cousines les raies font l’objet d’une pêche intensive depuis de nombreuses années, ce qui menace la survie de nombreuses espèces. L’Union Européenne exporte près de 3500 tonnes d’ailerons par an, principalement vers les pays d’Asie. Un kilo se négocie entre 200 et 500 euros sur les marchés de Chine, Hong Kong, Singapour ou encore Shanghai, sans aucune distinction d’espèces, qu’elles soient menacées ou non. L’Europe jouit ainsi d’une croissance économique tout en participant au massacre des requins, mettant ainsi en péril ces derniers qui jouent un rôle majeur dans le maintien des écosystèmes marins. 

    Une réglementation européenne lacunaire 

La pratique sanguinaire du Shark finning ne cessera pas tant que la réglementation européenne n’empêchera pas une rentabilité financière de cette méthode. Parmi les principaux progrès concernant cette méthode, l’amendement Fins Naturally Attached. D’après l’European Union Law, il interdit depuis 2013 de couper les ailerons des requins directement à bord des navires dans l’espace maritime de l’UE. “Depuis, rien n’a été fait. La plus grande avancée récente a été une initiative citoyenne nommée “Stop finning”, lancée en 2020 et qui s’est terminée en janvier 2022”, explique Martin Grau, vice-président de l’association AILERONS. 

La réglementation de 2013 vise l’interdiction totale en Europe de la pratique cruelle de l’amputation des ailerons. Celle-ci consiste à relâcher par-dessus bord les squales après leur avoir sectionné les nageoires à vif, les condamnant à une mort lente une fois retournés dans l’eau. Toutefois, si une fois pêchés les ailerons restent attachés à la carcasse de l’animal lorsque le navire est déchargé au port, rien n’empêche de les ôter par la suite pour les exporter. 

Dès 2003, la pratique de l’amputation d’ailerons avait déjà été interdite. Les pêcheurs espagnols et portugais pouvaient cependant profiter de dérogations leur permettant de découper les ailerons à bord des bateaux, à condition de conserver également les carcasses. Pendant 10 ans cette dérogation à permis à l’Espagne de continuer ces pêcheries et débarquements. La France n’avait pas demandé de dérogation. L’Espagne avait obtenu près de 200 bateaux équipés qui étaient compris sous cette dérogation. Les requins étaient découpés puis rejetés à l’eau, c’est la partie qui est la plus valorisée et cela permettait de mieux remplir les cales”, poursuit Martin Grau. Toujours est-il que le problème était la possibilité aux navires de débarqués séparément la carcasse et les nageoires dans des ports différents. 

Enfin, les captures accidentelles et involontaires d’espèces non ciblées constituent également une grave menace pour les espèces de requins. Ainsi, bien qu’elles ne soient pas initialement ciblées, de nombreuses espèces de requins, protégées ou non, sont régulièrement victimes de l’utilisation massive de techniques de pêche non sélectives, telles que la pêche à la palangre, le chalut de fond ou la pêche au filet maillant. Dans un tel cas de capture accessoire, le commerce de la chair des espèces protégées devient alors conforme à la réglementation européenne, et permet notamment d’alimenter l’industrie cosmétique et de la mode. “Au-delà de ce commerce d’ailerons, le requin a petit à petit été valorisé d’autres manières. Le secteur de la cosmétique, de la nutraceutique se sont aussi intéressés au coproduit de ces pêches (…) Il y a vraiment plusieurs marchés derrière la pêche de requins même si la première est l’aileron”, témoigne Martin Grau. 

Il existe encore un énorme volume d’ailerons sur le marché mondial, dont l’origine est rarement traçable en raison de l’échelle du réseau. Ils peuvent cependant encore être commercialisés légalement en Europe. Face à cette menace, l’initiative citoyenne Stop finning, stop the trade a été menée durant ces deux dernières années. Les résultats sont encourageants, l’aboutissement de cette initiative a recueilli 1 202 122 de signatures sur les un million attendu. “Cette pétition facilitera l’identification des requins et empêchera la dissimulation d’espèces commercialisées illégalement”, explique Anne-Sophie Mouraud,

Chargée de campagne pour Stop Finning EU. Nous assistons à une prise de conscience globale des citoyens et acteurs européens. Ceci est entre autres dû à un apport de connaissances croissantes sur l’écologie des requins, notamment pour les espèces fortement visées par les pêches, telles que le requin peau bleue ou renard sur nos côtes méditerranéennes. 

En attendant d’aborder ce sujet durant le prochain Conseil européen fin 2022, il est possible d’agir à son échelle en retirant ailerons et requins de ses menus et de ses cosmétiques.